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Guinot de Chastenet : histoire d’un écuyer-brigand

Parmi les seigneurs de la Nipontière* (vieille seigneurie borniquaise dont rien ne subsiste de l’ancien château féodal), nous retrouvons Guinot de Chastenet, personnage singulier, écuyer et homme d’armes saintongeois qui vécu la première moitié du XVème siècle et dont la vie mêla actes de bravoure et de loyauté envers la royaume de France et brigandage.

blason mareuil
Blason de la famille de Mareuil

Nous n’avons que peu d’informations sur son ascendance mais à l’âge de dix ou douze ans, Guinot de Chastenet rentre au service de Geoffroy de Mareuil, semble-t-il un parent, futur sénéchal de Saintonge.

Aussitôt en âge de porter les armes, il fit la guerre contre les Anglais, tant dans la compagnie de son maître qu’avec d’autres capitaines. Nous retrouvons ses faits d’armes aux sièges de Cosnac, Mortagne, Aucort, la Bernadière, Mareuil, Aubeterre, Mornac, Auberoche et autres places de Saintonge.

siege d un chateau
Scène de siège d’une ville au Moyen-Age

En 1417, il défendit avec Geoffroy de Mareuil le siège de Corbeil (actuellement dans le département de la Marne)  contre les troupes de Jean-Sans-Peur, duc de Bourgogne. Après la mort de son maitre, il servit sous le fils de ce dernier, François de Mareuil, chambellan de Charles VIIl (également sénéchal de Saintonge , du 27 octobre 1441 au 24 septembre 1442, date de son remplacement par Amaury d’Estissac, compagnon d’armes de Jeanne d’Arc au siège d’Orléans).

En 1441, Guinot assista, du commencement à la fin, au long siège de Pontoise.

En 1450, il pris part au sein du régiment de Guyenne à la prise de Bergerac dans le Périgord par Jean de Blois, comte de Penthièvre et mourut probablement cette même année.

scene de brigandage
Scène de brigandage

Au delà des ces faits d’armes héroïques, en 1446, attesté par lettres datées de Chinon, et nous éclairant un peu plus sur le passé trouble de Guinot du Chastenet, il obtint la remise complète des peines qu’il avait encourues pour des pillages, rançonnements, meurtres et autres crimes commis durant plus de vingt-cinq ans.

Dans ces lettres de rémission on trouve quantité de détails sur les ravages causés par des gens d’armes appelés brigands qui à partir de 1420 commirent d’innombrables méfaits dans les pays de la Saintonge et du Poitou. A Saint-Jean-d’Angély, il coupèrent notamment la gorge à un nommé Gillon Favier, sergent du roi, et pendirent un bourgeois du nom d’Ambroise Daniel. D’autres brigandages furent commis à Brisambourg, à Authon et à Aujac, où ils s’étaient fortifiés.
Ces lettres révèlent également l’occupation de Marans, de Benon et de l’église fortifiée de Salles en Aunis par des Bretons, après la prise et la condamnation (8 mai 1431) de Louis d’Amboise, vicomte de Thouars, et sur les ripostes et les sièges qui durent s’organiser pour les en déloger.

Dans toutes ces expéditions, Guinot du Chastenet avait détroussé, rançonné et mis à mal ceux qui voulaient résister. Pour sa défense, il arguait que tous ses compagnons faisaient de même, et que n’étant pas payé et ayant dépensé tout leur avoir, ils n’avaient pas d’autre moyen de vivre. A l’époque où lui furent délivrées ses lettres d’abolition, Guinot était toujours dans la compagnie et au service du « nouveau seigneur de Mareuil », (François de Mareuil), chambellan de Charles VII, dont la maison n’avait jamais cessé d’être fidèle à la cause du roi de France. Ses liens étroits avec une famille influente auprès du pouvoir royal ainsi que ses nombreux actes de services à défendre la couronne permirent à Guinot de Chastenet, l’écuyer-brigand de la Nipontière d’obtenir une totale amnistie.

Guinot de Chastenet et sa descendance

Guinot de Chastenet eut trois filles avec Jeanne Hélye et mourut sans héritier mâle :

  • Claire de Chastenet, mariée à Perrot de La Guiraude, puis à Renaud de Sainte-Maure
  • Jeanne de Chastenet, mariée à Gilles Aisse, écuyer, seigneur de Cougoussac (vers 1470)
  • Mathurine (ou Madeleine) de Chastenet, mariée à Guillaume La Personne, écuyer, seigneur de Varaize
    • François de La Personne, écuyer seigneur de Varaize, seigneur de Lannepontière marié à  Marie de Beaumont de Rioux, dame de Lauron
      • Bonaventure de La Personne, dame de Varaize, mariée à François de La Rochebeaucourt, Maître d’hôtel du Roi & seigneur de Semoussac, fils de Jean de La Rochebeaucourt, Chambellan du Roi François Ier et de Marguerite de Mareuil, petite-fille de Geoffroy de Mareuil
      • Louise de La Personne, dame de Lauron et de Lannepontiere mariée à Philibert Gombaud du Fresne, écuyer seigneur de Champfleury, seigneur du Fresne
        • François Gombaud de Champfleury, seigneur de Champfleury, Lannepontière, Lauron et Tanzac

* Nous retrouvons de nombreuses orthographes différentes pour la seigneurie :  La Nipontière, Lasne Ponthière, Lanepontière, Lannepontière, La Népontière

En savoir plus sur la seigneurie de Champfleury à Bords

Sources : Geneanet & Actes royaux du Poitou

Histoire générale de Bords par René-Primevère Lesson

Description de Bords par Mr Lesson dans son « Histoire, archéologie et légendes des marches de la Saintonge » (1843)

Le nom de Bord est saxon et signifie maison, hospice (NDLR : en savoir plus sur l’origine du nom de Bords).
Non loin de Bord est un lieu appelé l’Hopitau, où Aliénore (Alienor d’Aquitaine, NDLR) avait établi une maladrerie suivant la tradition, mais que je crois d’une origine plus ancienne. Le chef lieu de la commune est placé entre la Boutonne et la Charente non loin de cette dernière rivière. De son vieux castrum placé sur un point rocailleux et isolé, il ne reste plus qu’une circonscription encore reconnaissable. Bord a du être le point de communication entre la route gauloise, puis romaine, qui faisait communiquer Pont-Labbé  (Pont-l’Abbé-d’Arnoult) avec Saint Coutant (Saint-Coutant-le-Grand). Cette route passait à l’ouest de la Chancrière et se trouvait taillée dans le calcaire qui forme la croûte du sol de cette partie encore nommée les Estrées, Strata. Non loin de ce chemin au nord de la Chancrière, dans un sol calcaire à gryphites et de sables, directement au sud de l’emplacement de la tour de la Nipontière, on a découvert en 1839 des vestiges de thermes appartenant à une villa romaine, consistant en deux bassins longs de 2 mètres et demi à 3 mètres sur 3,33 mètres de largeur et sur un mètre de profondeur. L’un de ces bassins était revêtu de larges briques à rebords et l’autre était entièrement pavé en marbre. Lorsque je visitai ce lieu en septembre 1841, les fouilles avaient été remblayées et le propriétaire m’assura que ces deux bassins placés à 50 mètres l’un de l autre n’étaient recouverts que d’une couche de terre végétale épaisse, au plus, de 30 à 40 centimètres. Ce terrain est aujourd’hui planté en vignes ou converti en champs. On y trouve des morceaux de ciment romain et j y ai vu un pan de mur également gallo-romain. Le propriétaire me dit avoir trouvé un gros robinet en plomb sous le pavé en marbre. Ce lieu est appelé la Cave.

Proche Bord, s’élève un coteau qui domine au loin l’horizon. Sur le point culminant de ce dôme entièrement formé de sables et de calcaire à graphites s’élevait un donjon formidable qu’entouraient des douves profondes. Les derniers pans de murs se sont écroulés il y a douze ou quinze ans et lorsque je le visitai en 1841 il ne restait plus que des amas de pierres entassés confusément. Ce castrum porte dans le pays le nom de Tour de la Nipontière. Cette tour joue un grand rôle dans les légendes populaires. Bâtie par Charlemagne elle a servi plus tard de retraite à un seigneur farouche (NDLR : Guinot de Chastenet y fut seigneur au XVeme siècle) qui opprimait ses voisins et ses vassaux.

Les vieillards qui se rappellent les pans de mur qui existaient dans leur jeunesse avec le donjon m’ont signalé l’extrême épaisseur de ces murs. La position elle même était formidable et de ce coteau élevé, l’œil découvre la tour de Broue, le clocher de Moèze, le terrier de Moragne, la côte de Charras, en un mot la vue se perd dans l’horizon. Tout indique que cette tour de la Nipontière a été un des vieux donjons du moyen âge les plus fortifiés. Au nord j’entrevue les commencements d’un souterrain et dans le bois j’ai trouvé l’ouverture béante d’un puit excessivement profond et qui communique avec les souterrains. Ces puits, (il y en a plusieurs autres très dangereux dans les taillis), sont bien connus des gens de la commune qui y jettent les animaux morts et qui les redoutent par ce que leurs femmes croient qu’ils communiquent avec l’enfer. Les pierres du puits que j’ai vu sont en moyen appareil très fortement cimentées et taillées avec une grande perfection. Les bois taillis s’emparent journellement du terrier. Quelques fouilles ont mis au jour des pièces d’argent de bas aloi au type mérovingien. Je n’ai vu aucune de ces monnaies qui ont été dispersées. Nipontière, me semble découler de nisi, obligatio, pontinum : le nisi de payer le péage. Non loin de Bord, un pré est connu sous le nom de prairie du Poignard et on y a trouvé de vastes auges massives en pierre appelées par les gens du pays les tombes Sarrasines Un terrassier que j’interrogeai m’a assuré qu’en travaillant à refaire le fossé on les avait enfouies sous la terre et sous la vase qui en provenait qu’elles existaient encore mais cachés sous le sol. Je n’ai pu obtenir d’autres renseignements.

Lire la description de l’église Saint-Vivien de Bords par René-Primevère Lesson

René Primevère Lesson est un chirurgien, naturaliste, zoologiste et ornithologue français, né le 21 mars 1794 (1er germinal an II) à Rochefort et mort le 28 avril 1849 dans cette même ville.  Vers la fin de sa vie, il s’intéresse particulièrement à l’histoire et l’archéologie en Saintonge.

Source de l’ouvrage :
Histoire, archéologie et légendes des marches de la Saintonge

Bords : origine du nom

L’origine du nom de Bords est encore actuellement incertaine, mais nous pouvons cependant y voir l’existence d’un ancien regroupement d’habitations à l’origine de la toponymie du lieu.

memoire-langue-celtique
Mémoires sur la langue celtique, Volume 2 par Jean-Baptiste Bullet

En effet ce dernier pourrait tirer son origine du celte bord qui signifie maison, habitation. Bord a donné en français borderie (petite exploitation agricole).

L’origine de Bords pourrait également être attribuée à bhereg 1 de l’indo-européen qui signifie colline, tumulus. Par déformation, on le retrouve dans  l’allemand berg ou burg et en français dans bourgade et bourg (en ancien breton buurdais ou buurgais signifiait citoyens, habitants d’un bourg 2).

Selon René-Primevère Lesson, le nom de Bord est saxon et signifie maison, hospice 3.

Le royaume de France en 1260. En hachuré rose, les terres du roi d'Angleterre
Le royaume de France en 1260. En hachuré rose, les terres du roi d’Angleterre

Nous pouvons trouver une explication dans le mot d’ancien français bourde4, signifiant frontière que l’on retrouve dans l’anglais border.
En 1259 est ratifié entre le roi Louis IX de France et Henri III d’Angleterre le traité de Paris qui met fin au conflit qui dure depuis plus de cent ans (entre les Capétiens et les Plantagenêt).
Louis IX rétrocède à Henri III la suzeraineté sur un certain nombre de territoires dont la Saintonge au sud de la Charente. La Charente devient donc une frontière (bourde, border) entre les terres des Capétiens et celles des Plantagenêt.

Extrait du traité de Paris (1259)
De rechief, après le décès le conte de Poitiers, li rois de France ou ses hoirs rois de France donra à nous et à noz hoirs la terre que li cuens de Poitiers tant ores en Xantonge outre la rivière de la Charente en fiés et en demaines qui soient outre la Charente, s’elle li eschaoit ou à ses hoirs et se elle ne li eschaoit il porchaceroit en bone manière ou autrement que nous ou noz hoirs l’aions, ou il nous feroit avenable eschange à l’esgart de prodes homes qui seront nomez d’une part et d’autre.

etymologie-bour-celte
Dictionnaire étymologique de la langue grecque par Antoine COURT DE GEBELIN

Une autre hypothèse également plausible est que le nom de Bords viendrait du gaulois bour qui signifie eau ou du celte bor qui signifie eau bourbeuse 5.
En effet, la Boutonne y rejoint la Charente pour y former une zone marécageuse.

Nous retrouvons la toponymie de Bords mentionnée dans les sources sous diverses formes : Bords, Bord, Bors, Borre, Bore.

Voir Les cartes mentionnant Bords


 

Voir cet extrait des Mémoires sur la langue celtique, Volume 2 par Jean-Baptiste Bullet 6

Bor Di Gala, vivier, réservoir de poisson fait avec des planches; Bord, planches; Cal, en composition Gai, clôture , réservoir.
Bord, table. Board, Burd, en Anglois, table; Bord, table, planche en Runique; Bord en ancien Saxon, planche; Baurd en Gothique, table, planche.
Bor, habitation. On voit encore par Bord, Borg, Borh, Bors, que Bor a signifié habitation, habiter. Par la substitution réciproque de l’M & du B, on a dit Mor comme Bor, & par conséquent Mord à Morg, Morh, Mors; de là Moror, Latin. Boer, habitation en Runique.
Bord, bord, bordure. De là Bord en François; Bord en Espagnol; Boord en Flamand; Bort en Allemand ; Bord en Theuton & en ancien Saxon, bord; Border en Anglois, bord, extrémité; Faur, bord en Gothique; Bourdes en vieux François, frontières.
Bord, navire, vaisseau. On dit encore en notre langue, prendre sur son bord, pour prendre sur son navire.
Bord a signifié maison en Celtique; j’en juge ainsi parce que Bordell, qui signifie en Breton un lieu infâme, désigne à la lettre petite maison, parce que les filles de mauvaise vie se logeoient dans de petites maisons. Le diminutif s’étant conservé dans le Breton , montre que le primitif y a été en usage; Borda, maison de campagne, métairie en Basque; Bordo en Languedocien, maison; Borii, métairie; Borde, Bourde, maison en vieux François; Boire en Auvergnac , métairie; Bordely en Hongrois, lieu infâme; Boer en Islandois, habitation, métairie.
Borra, creux où l’eau séjourne. Botra, Borro en Italien, étang, mare; de Bour, eau.

Notes :

1. [En savoir plus sur bhereg. Lien]
2. [LOYS de BOCHAT, Charles Guillaume. Mémoires critiques pour servir d’Eclaircissemens sur divers points de l’Histoire ancienne de la Suisse. 1747-1749. Lien sur Google Books]
3. [LESSON, René-Primevère. Histoire, archéologie et légendes des marches de la Saintonge. H. LOUSTAU, 1845. Lien sur Google Books]
4. [Voir définition de Borne. MENAGE, Gilles (1613-1692). Dictionnaire etymologique de la langue françoise. Lien sur Gallica]
5. [COURT DE GEBELIN, Antoine (1725-1784). Dictionnaire étymologique de la langue grecque. 1782. Lien sur Google Books]
6. [BULLET, Jean-Baptiste. Mémoires sur la langue celtique, Volume 2. 1782. Lien sur Gallica]