Histoire générale de Bords par René-Primevère Lesson

Description de Bords par Mr Lesson dans son « Histoire, archéologie et légendes des marches de la Saintonge » (1843)

Le nom de Bord est saxon et signifie maison, hospice (NDLR : en savoir plus sur l’origine du nom de Bords).
Non loin de Bord est un lieu appelé l’Hopitau, où Aliénore (Alienor d’Aquitaine, NDLR) avait établi une maladrerie suivant la tradition, mais que je crois d’une origine plus ancienne. Le chef lieu de la commune est placé entre la Boutonne et la Charente non loin de cette dernière rivière. De son vieux castrum placé sur un point rocailleux et isolé, il ne reste plus qu’une circonscription encore reconnaissable. Bord a du être le point de communication entre la route gauloise, puis romaine, qui faisait communiquer Pont-Labbé  (Pont-l’Abbé-d’Arnoult) avec Saint Coutant (Saint-Coutant-le-Grand). Cette route passait à l’ouest de la Chancrière et se trouvait taillée dans le calcaire qui forme la croûte du sol de cette partie encore nommée les Estrées, Strata. Non loin de ce chemin au nord de la Chancrière, dans un sol calcaire à gryphites et de sables, directement au sud de l’emplacement de la tour de la Nipontière, on a découvert en 1839 des vestiges de thermes appartenant à une villa romaine, consistant en deux bassins longs de 2 mètres et demi à 3 mètres sur 3,33 mètres de largeur et sur un mètre de profondeur. L’un de ces bassins était revêtu de larges briques à rebords et l’autre était entièrement pavé en marbre. Lorsque je visitai ce lieu en septembre 1841, les fouilles avaient été remblayées et le propriétaire m’assura que ces deux bassins placés à 50 mètres l’un de l autre n’étaient recouverts que d’une couche de terre végétale épaisse, au plus, de 30 à 40 centimètres. Ce terrain est aujourd’hui planté en vignes ou converti en champs. On y trouve des morceaux de ciment romain et j y ai vu un pan de mur également gallo-romain. Le propriétaire me dit avoir trouvé un gros robinet en plomb sous le pavé en marbre. Ce lieu est appelé la Cave.

Proche Bord, s’élève un coteau qui domine au loin l’horizon. Sur le point culminant de ce dôme entièrement formé de sables et de calcaire à graphites s’élevait un donjon formidable qu’entouraient des douves profondes. Les derniers pans de murs se sont écroulés il y a douze ou quinze ans et lorsque je le visitai en 1841 il ne restait plus que des amas de pierres entassés confusément. Ce castrum porte dans le pays le nom de Tour de la Nipontière. Cette tour joue un grand rôle dans les légendes populaires. Bâtie par Charlemagne elle a servi plus tard de retraite à un seigneur farouche (NDLR : Guinot de Chastenet y fut seigneur au XVeme siècle) qui opprimait ses voisins et ses vassaux.

Les vieillards qui se rappellent les pans de mur qui existaient dans leur jeunesse avec le donjon m’ont signalé l’extrême épaisseur de ces murs. La position elle même était formidable et de ce coteau élevé, l’œil découvre la tour de Broue, le clocher de Moèze, le terrier de Moragne, la côte de Charras, en un mot la vue se perd dans l’horizon. Tout indique que cette tour de la Nipontière a été un des vieux donjons du moyen âge les plus fortifiés. Au nord j’entrevue les commencements d’un souterrain et dans le bois j’ai trouvé l’ouverture béante d’un puit excessivement profond et qui communique avec les souterrains. Ces puits, (il y en a plusieurs autres très dangereux dans les taillis), sont bien connus des gens de la commune qui y jettent les animaux morts et qui les redoutent par ce que leurs femmes croient qu’ils communiquent avec l’enfer. Les pierres du puits que j’ai vu sont en moyen appareil très fortement cimentées et taillées avec une grande perfection. Les bois taillis s’emparent journellement du terrier. Quelques fouilles ont mis au jour des pièces d’argent de bas aloi au type mérovingien. Je n’ai vu aucune de ces monnaies qui ont été dispersées. Nipontière, me semble découler de nisi, obligatio, pontinum : le nisi de payer le péage. Non loin de Bord, un pré est connu sous le nom de prairie du Poignard et on y a trouvé de vastes auges massives en pierre appelées par les gens du pays les tombes Sarrasines Un terrassier que j’interrogeai m’a assuré qu’en travaillant à refaire le fossé on les avait enfouies sous la terre et sous la vase qui en provenait qu’elles existaient encore mais cachés sous le sol. Je n’ai pu obtenir d’autres renseignements.

Lire la description de l’église Saint-Vivien de Bords par René-Primevère Lesson

René Primevère Lesson est un chirurgien, naturaliste, zoologiste et ornithologue français, né le 21 mars 1794 (1er germinal an II) à Rochefort et mort le 28 avril 1849 dans cette même ville.  Vers la fin de sa vie, il s’intéresse particulièrement à l’histoire et l’archéologie en Saintonge.

Source de l’ouvrage :
Histoire, archéologie et légendes des marches de la Saintonge

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